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Dossier Dakarposte! Où va l’école sénégalaise ? 

Rédigé par Dakarposte le Mercredi 21 Octobre 2015 à 01:40 modifié le Mercredi 21 Octobre 2015 - 18:24

L’école sénégalaise est très mal en point. Personne aujourd’hui n’en disconvient plus. Elle est guettée de toutes parts par des incohérences, des malentendus, le tout coiffé par un assourdissant dialogue de sourds qui n’a que trop duré. Où est-ce que donc le bât blesse ? Et qui est à l’origine de cette maudite blessure qui ne cesse de s’agrandir et d’infecter tout le corps du système ? Sont-ce les enseignements ? Est-ce l’Etat ? Sont-ce les élèves ? Ou alors le problème transcende-t-il toutes ces catégories ? Dakarposte a "creusé. Explications!


Dossier Dakarposte!                                               Où va l’école sénégalaise ? 
L’autorité
Les autorités éducatives sont-elles à la hauteur des responsabilités qui sont les siennes ? A vrai dire, tout porte à croire que même si on n’a pas encore atteint un seuil critique, il y a tout au moins bien des signaux accablants, qui ne rassurent pas trop le citoyen soucieux de voir l’éducation dans son pays briller de mille feux sur la rampe de l’excellence. 
L’une des preuves les plus accablantes des limites de la Hiérarchie dans l’éducation c’est la décision hâtive et sans doute trop légère du Ministre de l’Education de retirer à des dizaines de candidats admis au concours de l’EFI de l’année passée toute possiblité de poursuivre leur formation, sous prétexte qu’ils auraient acquis ce privilège de manière frauduleuse. Nous savons comment la Justice, seule habilitée en la matière à faire la part des choses, a administré un cinglant camouflet à M. Serigne Mbaye Thiam en cassant son verdict, sans doute un peu trop fantaisiste.    
La mauvaise appréciation de la réalité de l’école sénégalaise par le Ministère de l’Education s’exprime à des niveaux beaucoup plus sensibles. Ces deux dernières années, il a drastiquement dégonflé le volume budgétaire destiné aux établissements et inspections. Il serait délesté de presque 2/3, ce qui, du coup, a donné lieu à des difficultés inimaginables dans la prise en charge des besoins officiellement exprimés. La gravité de ce gros délestage financier est tel qu’on a pu dire que durant l’année scolaire précédente, dans les derniers mois, certains établissements n’avaient même plus de quoi se payer quelques barres de craie, poussant ainsi les chefs d’établissements à solliciter l’assistance de quelques bonnes volontés.
On peut bien comprendre que M. le ministre de l’Education veuille faire plaisir à M. le Président de la République en lui montrant qu’il était bien possible, dans le secteur de l’Education, d’éviter certaines dépenses inutiles ; mais a-t-il pris le soin, à cet effet, de commanditer une enquête pour voir à quel niveau précis se situe la gabegie, et jusqu’à quelle hauteur il pouvait opérer des coupes sombras sans que cela ne soit préjudiciable au bon fonctionnement des services ciblés ? Selon toute vraisemblance, rien de tout cela n’a été fait, la Hiérarchie ne s’étant limitée qu’aux preuves dérisoires de son légendaire pilotage à vue.

Les enseignants    
Dans une perspective d’évaluation globale des maux dont souffre le système, les enseignants ne sont pas exempts de reproches, loin s’en faut. Il est de notoriété publique que nombre d’entre eux n’ont guère le niveau requis pour accomplir correctement la mission pour laquelle ils ont été recrutés. Aujourd’hui, combien de professeurs, de maîtres d’écoles (ou en tout cas qui se prennent pour tels) ont enseigné et continue d’enseigner des catastrophes ? Combien de têtes naïves et innocentes de générations d’élèves ont-ils pourries en y déversant des concepts mal conçus, des leçons mal libellées, mal manipulées et auxquelles eux-mêmes ne comprennent pas grand-chose ? Personne ne saura le dire. On nous dira que le niveau de responsabilité de ces « incompétents » n’est pas à proprement parler très grand, puisque c’est l’Etat qui leur a délivré un ordre de service. Mais font-ils acte de civisme en continuant, en toute conscience, à dérouler le long tapis de leurs insuffisances dans la conscience des élèves ? 
Pourtant, d’un autre côté, l’école sénégalaise dispose d’enseignants très compétents, qui maîtrisent à merveille leur travail. Mais beaucoup d’entre eux ne sont plus prêts à se donner à fond, à fournir un « effort de guerre » personnel pour hisser le système au sommet de l’excellence. Pourquoi ? Parce qu’ils sont démotivés, frappés de plein fouet par un manque cruel de considération de la part de l’Etat. Il faut les trouver dans leurs classes pour voir avec quelle désinvolture ils s’acquittent du service minimum. 
Enfin, il y a le lot, sans cesse croissant, des enseignants qui ne manquent pas de compétence, mais dont enseigner n’était guère la vocation. Entraînés au cœur du système par les cruelles réalités conjecturelles, et plus précisément encore par la peur d’aller grossir les rangs des chômeurs, les voilà qui enseignent sans passion, alignant sèchement les cours en se bouchant le nez à longueur d’année et rêvant souvent en pleine classe d’un meilleur abri professionnel.      

Les élèves    
Les contours de la personnalité de l’Elève sénégalais évoluent de façon exponentielle et, chemin faisant, le sujet de sa vraie nature devient de moins en moins évident à appréhender. Il est clair donc qu’on aura entrepris toutes les réformes qu’on veut, initié toutes les Assisses (et pourquoi pas, tant qu’on y est, tous les Debout) qu’on veut, il va bien falloir s’arrêter un jour sur ce sujet si fluctuant et si improbable qu’est l’Elève.
A l’image de certains de leurs enseignants, la plupart des élèves ont un niveau faible et présentent un manque terrible de motivation. Discutez avec certains d’entre eux, et vous vous rendrez compte rapidement qu’ils ne sont dans l’espace scolaire que pour meubler le temps. Ils ne sont là que le temps de voir le bout de ce mirobolant tunnel de l’Espoir qu’ils ont passé le plus clair de leur temps à creuser. En fait, pour des raisons qui ne sont pas tout à fait absurdes et impertinentes, les chaumières du Savoir ne les font plus fantasmer. Dans leur imaginaire débridé, Canabasse, Waly Seck, Pape Cheikh Diallo, Ama Baldé, dépassent de loin Souleymane Bachir Diagne, Professeur Souleymane Mboup ou encore Mouhamed Mbougane Sarr, que certains puristes veulent leur imposer comme modèles de réussites, sans pour autant qu’ils sachent précisément pourquoi.
 Eh bien, quand l’école n’est plus en mesure de faire rêver ses pensionnaires, la fracture qui s’installe entre elle et eux ne peut pas ne pas être douloureuse à ce point. Aujourd’hui, c’est banal de rencontrer un élève incapable d’épargner à ses parents des sacrifices accablants dans l’achat de fournitures et le paiement de ses mensualités dans le privé, et qui pourtant, curieusement, s’offre le luxe de se payer plusieurs fois dans le mois le ticket d’entrée dans les soirées de Waly Seck, et parallèlement, de donner 50 000 f comme contribution à une piscine-party organisée par ses camarades de classe en tout début d’année dans une villa cossue des Almadies louée à prix d’or.
Pourquoi donc la quête de tels exutoires est devenue, chez nos élèves et étudiants, une obsession et contre toute logique de concentration sur l’essentiel, c’est-à-dire sur le patrimoine intellectuel que le système leur fait miroiter à l’horizon ? C’est parce que le système, non seulement ne leur offre pas les conditions primaires pour se subordonner volontiers aux exigences de la quête de savoir, mais aussi parce qu’il a l’inintelligence de poser des actes qui leur font penser que le parcours menant du grand désert de l’ignorance aux prairies verdoyantes du Savoir est semé de bombes faites à base d’épreuves inutiles. Par exemple, en inventant un tout nouveau mode d’orientation des nouveaux bacheliers basé sur des principes systémiques dénués d’humanisme, le Ministère de l’Enseignement supérieur croit bien faire ; et pourtant, la réalité est tout autre. La plupart des nouveaux bacheliers d’aujourd’hui sont habités par l’angoisse de se voir contraints de choisir une filière qui, au fond, ne les a jamais faits rêver.    

Les infrastructures
Le régime libéral, il est vrai, a beaucoup fait dans le domaine de la construction d’établissements, et ce, dans les zones les plus éloignées du pays. Il est tout autant vrai aussi que le gouvernement de Macky Sall se bat pas mal pour poursuivre ce bel élan de construction de l’Ecole sénégalaise. Mais le constat est là et il est bien accablant : le Sénégal reste encore la Mecque des abris provisoire ! Et il est clair que ce retard dans la modernisation de l’architecture de l’école sénégalaise n’est pas de nature à consolider les acquis qu’on cherche à acquérir et à consolider au plan pédagogique. L’abri provisoire est forcément une réponse dérisoire à l’exigence de conditions appropriées pour un enseignement de qualité ; et ce n’est pas parce que nous sommes sous les Tropiques que nous devons nous contenter de prendre notre nourriture pédagogique dans des classes qui ont toutes les propriétés d’une bombe écologique. 
Un autre problème relatif aux infrastructures c’est le fait que nos écoles soient à la fois mal et très insuffisamment équipées. A l’heure où on nous vante les mérites de l’enseignement scientifique et la nécessité de le promouvoir en lui faisant bénéficier de ce qu’il est convenu d’appeler une discrimination positive, la majorité des blocs scientifiques installés dans nos lycées et collèges présentent un marasme criard en termes d’équipements. Conséquence : beaucoup de nos élèves revendiquant un profil de scientifiques passent d’un niveau à un autre sans bénéficier d’un volume d’activités expérimentales dignes de ce nom. 
C’est le même type de lacune que l’on constate au niveau du dispositif en manuels et en installations informatiques. En effet, les ressources à ce niveau sont inégalement réparties, ce qui fait que si certains établissements comme ceux des grands centres villes trinquent, d’autres situés dans le pays profond ressemblent à de véritables déserts bibliographiques et informatiques. Or donc, nous sommes tous conscients qu’aujourd’hui les pays qui occupent la rampe du développement ce sont avant tout les pays qui ont résolu l’équation de la fracture livresque et numérique, surtout dans les instances canoniques d’acquisitions de savoirs, dont l’école est incontestablement la vitrine.   

Les syndicats d’enseignants
Le reproche qu’on leur adresse le plus fréquemment c’est de n’être obnubilés que par des revendications mercantilistes. Au regard de l’agitation plutôt abjecte dont ils font montre dans leurs régulières confrontations avec l’Etat, on se dit que ce reproche n’est pas dénué quand même de fondement.
 Quoi qu’il en soit, il y a aujourd’hui fort à parier que le syndicalisme enseignant doit s’être trompé de combat. Sans aucunement chercher à leur dénier le droit de poser des revendications à incidence financière, l’on s’étonne quand même que ces spécialistes du grand râle ne se donnent jamais la peine de soulever aussi d’autres questions, qui sont peut-être même beaucoup plus fondamentales.  Par exemple, pourquoi les syndicats enseignants ne prélèveraient-ils pas sur leur « check-off » pour contribuer, ne serait-ce que de façon symbolique, à l’effort de construction, de réfection ou d’équipement de certains établissements du pays désertés par le confort ? Pourquoi n’entreprennent-ils pas des cotisations collégiales qui seraient destinées à prendre en charge la situation des jeunes collègues qui viennent d’intégrer le système avec possibilité de remboursement échelonnée ?  Pourquoi, au même titre que l’Etat, ne commanditent-ils pas de temps à autre des études destinées à faire le point sur la situation de l’école sénégalaise, et qu’ils mettraient gratuitement sur la table du Gouvernement ?  Pourquoi les syndicats d’enseignants ne se soulèvent jamais contre les absurdités qui parsèment les programmes de la plupart des matières enseignées ?
Si nos fameux syndicats d’enseignants faisaient un effort pour entreprendre de pareilles initiatives, il est clair qu’on le peuple les regardait avec un peu moins de mépris, et sans doute l’Etat aussi les écouterait, à l’occasion, avec beaucoup plus d’attention.     


Par Saabou Xémé 
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